1.1   Argousier : fruits vitaminés, huile précieuse et préservation de l'environnement

La culture de l'argousier en Belgique et ailleurs

Voilà pourquoi on aime l'argousier : jus au goût d'orange ananas, huiles au profil d'acides gras intéressant, exigences de culture faibles, système racinaire étendu capable de fixer l'azote atmosphérique, action brise-vent et anti-érosion. Et, cerise sur le gâteau, il est indigène.

Tour d’horizon

L’argousier, ou Hippophae ramnoïdes, est une plante originaire des régions froides et tempérées de l’Asie et de l’Europe. Il pousse essentiellement sur les dunes côtières de la mer Baltique et de la mer du Nord en Finlande, en Pologne, aux Pays-Bas, en Lettonie, en Allemagne et en Belgique, mais on le trouve aussi sur les dépôts graveleux des bords de rivières, sur les anciennes rivières asséchées, sur les rives de lac sablonneuses et dans les régions montagneuses de la France et de l’Italie. En Asie, ce petit fruitier est présent en Chine et dans les régions de l’Himalaya et de l’Altaï formant la frontière entre la Mongolie et la Russie, où il croît là aussi sur des sols sablonneux ou rocailleux, en colonies parfois immenses. Si l'argousier était davantage répandu juste après la dernière période glaciaire, la croissance des forêts et la concurrence accrue pour la lumière qui s'en est suivie l'a toutefois contraint à se retirer dans son habitat actuel.


Pouvant atteindre 2 à 4 m, voire 5 m, de haut et 2 à 3 m de large, cet arbrisseau très épineux et drageonnant possède un beau feuillage de couleur vert argenté. Alors qu’il adopte une forme dense et buissonnante sur ses sites naturels, l’argousier prend parfois un port arborescent, sa couronne se développant alors en forme de parapluie. Il présente une grande vitalité et peut résister à des températures extrêmes allant de -43 °C à +40 °C. Qui plus est, les gelées tardives pendant la floraison n'ont généralement pas d'incidence sur la fructification. Il tolère également des niveaux élevés de salinité, d’acidité et d’alcalinité du sol, mais pas les sols lourds et gorgés d’eau. Bien que l’argousier soit généralement présenté comme une plante résistante à la sécheresse, il nécessite en réalité au moins 400 mm de précipitations par an pour prospérer.

Colonies d'argousiers sur la côte belge

L’argousier est une plante pionnière qui, grâce à la symbiose qu’elle entretient avec des bactéries fixatrices d’azote et à sa capacité à conserver d’autres nutriments essentiels, peut pousser dans des sols peu fertiles. Ses racines protéoïdes – formant des groupes denses de courtes radicelles latérales très rapprochées  – seraient capables de rendre soluble la matière organique et minérale présente dans le sol. En outre, l’argousier possède un système racinaire étendu qui plonge jusqu’à trois mètres de profondeur et retient les terres sur les pentes fragiles, ce qui en fait un candidat idéal en matière de prévention de l’érosion des sols. Il s’agit aussi d’une bonne plante brise-vent grâce aux écailles recouvrant les feuilles et les jeunes pousses, qui protègent l'arbrisseau de toute évaporation excessive. Dès lors, on comprend aisément pourquoi l’argousier a fait partie intégrante des programmes de conservation des Prairies canadiennes en Amérique du Nord.

Racines protéoïdes de l'argousier

L’argousier est une plante dioïque, ce qui signifie que les fleurs mâles et femelles sont portées sur des pieds distincts. Il fleurit tôt, au début du printemps, et ne produit pas de nectar. C’est donc le vent qui assure sa pollinisation, de sorte qu’il est conseillé de limiter l'espacement entre les plants à 50 m au grand maximum.  De la mi-juillet à la mi-août environ, l’argousier produit des fausses drupes de 6 à 9 mm de long, à la saveur très aromatique et acide, dont la couleur va de jaune à rouge corail, en passant par orange. Les plants femelles commencent en moyenne à fructifier dès 3 à 5 ans et atteignent leur productivité maximale à partir de leur 5e à 8e année. En production, un pied peut produire de 8 à 12 kg de fruits et un verger, jusqu’à 10 t de fruits, 165 kg de graines et 1,5 t de feuilles à l’hectare. En raison de son acidité, l’argouse ne se prête pas particulièrement à la dégustation à l’état frais. Aussi se consomme-t-elle généralement transformée, sous diverses formes. En jus, par exemple, elle développe un goût d'orange ananas, mais on peut aussi en faire des confitures, des vinaigres, des produits laitiers, des infusions, des boissons alcoolisées ou non, des bonbons, des gâteaux, des sorbets ou autres crèmes glacées.


Au Tibet et en Mongolie, voilà près de 2 000 ans que l’argousier est utilisé en médecine populaire pour le traitement et la prévention de diverses maladies. L’activité industrielle liée à l’argousier n’a toutefois démarré que dans les années 40, en Russie, où ces fruits entraient dans la diète des astronautes et la confection de crèmes visant à les protéger des radiations cosmiques. Aujourd’hui, l’argousier se distingue par la haute valeur nutritionnelle et thérapeutique de ses fruits, de ses graines et de ses feuilles.

Et pour cause, il s’agit d’une plante riche en :

  • vitamines : l’argouse se caractérise par une teneur exceptionnelle en vitamine C – 2 à 10 fois plus que le kiwi ! – et ne contient pas d’ascorbate oxydase (une enzyme dégradant l’acide ascorbique), de sorte que les produits transformés et séchés à base de ces fruits renferment encore en grande quantité cette vitamine ;
  • sels minéraux et oligoéléments, comme le potassium, le calcium, le phosphore, le magnésium, le sodium et le fer ;
  • acides gras: contrairement à d’autres fruits, on peut extraire de l’huile à partir des graines de l’argouse, mais aussi à partir de sa pulpe. L’huile de la pulpe contient davantage d’acide palmitoléique, un acide gras rare dans le royaume végétal, que l’huile de noix de macadamia. Quant à l’huile des graines, elle est riche en acides gras insaturés, et notamment en oméga-6 et en oméga-3, selon des proportions (30-40 % et 20-35 % respectivement) particulièrement intéressantes sur le plan de la santé ;
  • protéines.

Verger en Mongolie, où l'argouse représente l'un des fruits les plus consommés

Sur le plan de la santé, l’argousier présente de nombreux effets bénéfiques. Ainsi, la consommation de cette plante améliorerait le fonctionnement du système cardiovasculaire, augmenterait le bon cholestérol, atténuerait les symptômes du diabète sucré, renforcerait le système immunitaire, favoriserait la régénération des tissus et préviendrait des pathologies dermatologiques, entre autres. Par ailleurs, les substances bioactives extraites des argouses peuvent servir de colorants et de conservateurs naturels et permettent par exemple d’améliorer la durée de conservation de la viande crue et cuite. L’argousier est aussi considéré comme une matière première apte à l’élaboration d’aliments fonctionnels et de compléments alimentaires. À noter que la composition nutritionnelle et chimique des argouses ainsi que leur teneur en substances bioactives peuvent varier en fonction de nombreux facteurs, tels que la période de récolte, le climat, l'altitude et la variété.

Dans une publication TikTok, le scientifique américain spécialiste des cellules souches Christian Drapeau fait part d'une anecdote. À trois biochimistes spécialisés dans l'usage des plantes  en médecine traditionnelle chinoise, il a posé la question habituelle de l'île déserte : si vous ne deviez en choisir qu'une, quelle plante de la pharmacopée chinoise emporteriez-vous ? Tous trois ont opté pour l'argousier.

Enfin, l’argousier présente aussi un grand intérêt dans le domaine de l’alimentation animale : les feuilles, les grains et les résidus de baies font un bon fourrage pour les animaux d’élevage, en particulier dans les région sèches et froides. Cet aliment améliore notamment la ponte et le gain de poids des poules pondeuses.

Voici une synthèse regroupant, selon les différentes parties de la plante, divers usages de l'argousier.


Exemples d'usage de l'argousier

Voilà au moins deux millénaires que les multiples vertus de l'argousier sont exploitées en Asie : écorce, feuilles, pulpe et graines se consomment, chacune des parties de la plante revêtant des propriétés particulières. Mais ce n'est pas tout, puisque cette essence se caractérise aussi par sa rusticité, par sa tolérance à une large palette de sols  et par son système racinaire étendu, capable non seulement de fixer l'azote atmosphérique, mais aussi de solubiliser des éléments nutritifs et de retenir les terres. Et si vous n'êtes pas encore convaincus, on vous recommande chaudement de déguster un produit transformé à base d'argousier, c'est difficile de ne pas aimer !

N’hésitez pas à passer les portes de la pépinière ou à vous inscrire à une visite guidée si vous souhaitez faire plus ample connaissance avec ce passionnant petit fruitier, l'argousier.

Pour poursuivre l'exploration de ce super petit fruitier et en apprendre davantage sur les conditions de culture de l'argousier et ses variétés, cliquez ici.



Sources

  • Albrecht, H.J., Sanddorn : Anbau, Ernte, Sortiment, Kordes Jungpflanzen, 2007.
  • Aruhan, Chen, Xiaowei, Feng, Byambasuren, Dorjsuren, Chimedragchaa, Chimedtseren, Tsend-Ayush, Damda, et Chunhong, Zhang, « Traditional food, modern food and nutritional value of Sea buckthorn (Hippophae rhamnoides L.): a review » dans Journal of Future Foods, vol. 3, éd. 3, 2023, p. 191 à 205, https://doi.org/10.1016/j.jfutfo.2023.02.001.
  • Drapeau, Christian, publication TikTok : https://www.tiktok.com/@stemcellchristian/video/7091092889354161450?lang=en.
  • Gutiérrez Alvarez, Luis Felipe, Extraction et caractéristiques des huiles de l’argousier (Hippophae rhamnoïdes L.) ‒ une étude des effets de la méthode de déshydratation des fruits sur le rendement d’extraction et la qualité des huiles, Université de Laval, 2007, Québec.
  • Krejcarová, Jana, Straková, Eva, Suchý, Pavel, Herzig, Ivan et Karásková, Kateřina, « Sea buckthorn (Hippophae rhamnoides L.) as a potential source of nutraceutics and its therapeutic possibilities - A review » dans Acta Veterinaria Brno, 2015, no 84, p. 257 à 268.
  • Li, Thomas, et Schroeder, William, « Sea Buckthorn (Hippophae rhamnoides L.): A Multipurpose Plant » dans HortTechnology, 1996, vol6, p. 370 à 380.
  • Martin Trépagnier, « Origine » sur le site de l’Association des producteurs d’argousier du Québec, 2023, http://www.argousier.qc.ca/fra/la-culture-de-largousier/origine.asp.
  • Mongolian National Association of Fruits and Berries, Чацаргана тариалах зөвлөмж Та чацаргана тарих гэж байна уу, 8 février 2018, http://chatsargana.mn/post/8001#.
  • Pirc, Helmut, Encyclopédie des fruitiers sauvages ou méconnus – Pour le jardin & la haie fruitière, Ulmer, 2022.
  • Shah, Syed, Root system of seabuckthorn (Hippophaë rhamnoides L.) Morphology, metabolism and gene expression, 2015, 10.13140/RG.2.2.27701.73441.


Crédit photographique



2.1 Pawpaw : du semis à la plantation en pleine terre
Retour d'expérience d'un couple d'amateurs de fruitiers rares à Saint-Amand (Belgique)