1/ L'impact des gelées de printemps sur les arbres fruitiers

Comprendre les gelées de printemps pour mieux s'en protéger.

Le printemps, avec son renouveau et sa promesse de récoltes abondantes, apporte aussi son lot de défis pour les agriculteurs et les horticulteurs. Parmi ces défis, les gelées de printemps occupent une place particulière. Ces phénomènes climatiques, souvent imprévisibles et potentiellement destructeurs, peuvent compromettre la production fruitière en un clin d’œil. Dans cet article, nous allons explorer ce que sont précisément les gelées de printemps, pourquoi elles représentent une préoccupation majeure pour les producteurs d'arbres fruitiers, et comment elles se manifestent.

Définition des gelées de printemps

Les gelées de printemps se produisent lorsque les températures chutent sous le point de congélation pendant les nuits claires et calmes du printemps. Contrairement aux gelées d’hiver, auxquelles les plantes sont en grande partie endurcies, les gelées de printemps surviennent à un moment où les arbres fruitiers ont commencé leur cycle de croissance active. Les bourgeons, les fleurs naissantes, et même les jeunes fruits sont extrêmement vulnérables au froid. Une seule nuit de gel peut endommager ces tissus sensibles, compromettant la récolte de l’année, particulièrement pour les variétés d'arbres fruitiers qui peuvent être plus sensibles aux fluctuations climatiques (ex: kiwis, kiwais, agrumes, nashis,...)

Importance de la question malgré le changement climatique

On pourrait penser que le changement climatique, avec ses températures globalement plus élevées, réduirait le risque de gelées au printemps. Malheureusement, ce n'est pas nécessairement le cas. Le changement climatique peut entraîner des conditions météorologiques plus erratiques, augmentant paradoxalement le risque de gelées soudaines au printemps. De plus, des hivers plus doux peuvent inciter les plantes à commencer leur cycle de croissance plus tôt, les rendant encore plus susceptibles aux gelées inattendues. La prévention et la gestion des risques liés aux gelées de printemps restent donc des enjeux cruciaux pour garantir la survie et la productivité des arbres fruitiers.

Les mécanismes des gelées de printemps

La beauté et la promesse du printemps cachent une menace redoutable pour nos arbres fruitiers : les gelées de printemps. Ces phénomènes, capables de réduire à néant les espoirs d'une récolte fructueuse, sont le fruit de mécanismes météorologiques spécifiques. Comprendre ces mécanismes est essentiel pour les cultivateurs de arbres fruitiers, car cela leur permet de mettre en place des stratégies de protection efficaces.

Les conditions météorologiques favorables aux gelées de printemps

Les gelées de printemps surviennent lorsque plusieurs conditions météorologiques se conjuguent. Les nuits claires et sans nuages sont particulièrement propices au phénomène. En l'absence de couverture nuageuse, la chaleur accumulée par la terre pendant la journée s'échappe facilement dans l'atmosphère, entraînant une baisse rapide de la température au sol. De plus, l'absence de vent contribue à maintenir l'air froid au niveau du sol, renforçant l'effet de refroidissement sur les plantes. Ces conditions sont d'autant plus critiques lorsque les jours précédant la gelée ont été particulièrement chauds, incitant les plantes à sortir de leur dormance hivernale et à devenir vulnérables au gel soudain.

Le refroidissement nocturne : moteur et freins

Le refroidissement nocturne joue un rôle central dans la genèse des gelées de printemps. Ce processus est principalement alimenté par le rayonnement thermique : la chaleur de la surface terrestre s'évapore dans l'espace, abaissant la température de l'air près du sol. Cependant, ce moteur du refroidissement peut être freiné par deux phénomènes : le vent et l'humidité de l'air.

  • Le rôle du vent : Bien qu'un vent léger puisse contribuer à maintenir un certain degré de mélange dans l'atmosphère, empêchant l'air froid de stagner au sol, un vent trop fort dissipe la couche d'air froid, réduisant le risque de gel. C'est un équilibre délicat, où trop ou trop peu de vent peut changer la donne pour les cultures vulnérables.
  • L'impact de l'humidité : Une forte humidité de l'air peut également servir de frein au refroidissement. L'humidité élevée favorise la formation de rosée ou de givre, libérant de la chaleur latente qui peut aider à maintenir la température au-dessus du point de congélation. Cependant, cette même humidité, sous certaines conditions, peut accentuer les dommages causés par le gel, en favorisant la formation de glace sur les plantes.

La connaissance précise de ces mécanismes permet aux producteurs d'arbres fruitiers de mieux anticiper les risques de gelées de printemps et de prendre des mesures préventives, telles que le choix judicieux de l'emplacement des vergers, l'utilisation de techniques de protection comme le chauffage ou l'aspersion d'eau, et le suivi attentif des prévisions météorologiques. Ainsi armés, ils peuvent espérer limiter les dégâts causés par ce fléau saisonnier et protéger leurs précieuses cultures.

La vulnérabilité des cultures

Au cœur du printemps, les cultures fruitières se trouvent à un moment critique de leur développement. Les bourgeons éclatent, les fleurs s'ouvrent et les jeunes pousses apparaissent, marquant le début d'un cycle de vie prometteur. Cependant, cette phase de renouveau rend les plantes particulièrement vulnérables aux caprices de la nature, notamment aux gelées de printemps. La sensibilité des cultures à ce stade est un défi majeur pour les agriculteurs, en particulier pour ceux qui se spécialisent dans la culture d'arbres fruitiers.

La sensibilité des bourgeons et des jeunes pousses au gel

Les bourgeons et les jeunes pousses sont les organes les plus sensibles des plantes fruitières durant le printemps. À ce stade, ils sont riches en eau et pauvres en substances antigel naturelles, ce qui les rend particulièrement susceptibles au gel. Lorsque la température descend en dessous du point de congélation, les cellules végétales peuvent geler, entraînant des lésions qui compromettent non seulement la croissance de la plante mais aussi sa capacité à produire des fruits. Le gel peut causer la mort des tissus végétaux, empêchant le développement normal des bourgeons en fleurs ou en fruits, ce qui a un impact direct sur le rendement et la qualité de la récolte.

Les stades phénologiques et la gélivité

La gélivité, ou la sensibilité au gel, varie considérablement selon les stades phénologiques des plantes. Chaque espèce, et même chaque variété au sein d'une espèce, présente des seuils de température critique spécifiques à chaque étape de son développement. Les stades les plus vulnérables sont souvent ceux de la floraison et de la formation des jeunes fruits. Une compréhension approfondie de la phénologie des plantes fruitières est donc essentielle pour prédire leur vulnérabilité au gel et prendre des mesures de protection efficaces.

Le stade phénologique influence non seulement le niveau de sensibilité au gel mais aussi la capacité de récupération de la plante. Par exemple, un gel tardif au printemps peut ne pas tuer les bourgeons déjà bien développés, mais il peut endommager les organes reproducteurs, réduisant ainsi le potentiel de fructification. À l'inverse, un gel précoce, quand la plante est encore au stade de bourgeon dormant, peut passer sans causer de dommage significatif.


Voir notre NB1 en bas de page pour en apprendre plus sur les système BBCH

La protection des cultures contre les gelées de printemps exige une stratégie proactive qui tient compte de la diversité des stades phénologiques et de leur sensibilité variable au gel. Les techniques de protection peuvent inclure l'installation de systèmes d'aspersion pour protéger les plantes par la formation d'une couche de glace isolante, l'utilisation de voiles d'hivernage pour retenir la chaleur, ou encore la sélection de variétés tardives moins exposées aux risques de gelées printanières. En outre, une planification attentive et une surveillance météorologique continue sont indispensables pour anticiper les événements de gel et réagir en conséquence, afin de sauvegarder les précieuses récoltes d'arbres fruitiers.

Le phénomène de la mort par le gel

La mort par le gel est un événement critique qui peut compromettre sérieusement la survie et la productivité des cultures, notamment celles des arbres fruitiers. Ce phénomène résulte d'une combinaison de facteurs physiologiques et environnementaux, menant à des conséquences désastreuses pour les bourgeons et la production future. Comprendre les mécanismes de résistance au gel et les impacts de ce dernier est essentiel pour développer des stratégies de mitigation efficaces.

Mécanismes physiologiques de la résistance au gel

Les plantes disposent de plusieurs mécanismes de résistance au gel qui leur permettent de survivre à des températures sous le point de congélation. Ces mécanismes incluent l'acclimatation au froid, où les plantes diminuent progressivement leur point de congélation en accumulant des sucres et d'autres solutés qui agissent comme des cryoprotecteurs. De plus, certaines espèces sont capables de supercooling, un processus où l'eau reste liquide même en dessous de son point de congélation habituel, évitant ainsi la formation de cristaux de glace dans les cellules, qui serait mortelle.

La tolérance au gel extracellulaire est un autre mécanisme de défense crucial. Dans ce cas, l'eau gèle d'abord à l'extérieur des cellules, entraînant une déshydratation osmotique des cellules qui protège le contenu cellulaire du gel. Ces stratégies varient grandement d'une espèce à l'autre et sont fortement influencées par les conditions environnementales précédant le gel.


Dégats sur des vignes, bourgeons et feuilles détruites par le gel

Les conséquences du gel sur les bourgeons et la production future

Les gelées printanières peuvent avoir des effets dévastateurs sur les bourgeons en développement et, par extension, sur la production future des cultures fruitières. Le gel endommage les tissus végétaux en formant des cristaux de glace à l'intérieur des cellules, ce qui perturbe les membranes cellulaires et cause la mort cellulaire. Même un gel léger peut causer des dommages irréversibles aux bourgeons floraux et aux jeunes fruits, réduisant la capacité de la plante à produire.

Les impacts à long terme d'un épisode de gel ne se limitent pas à la perte immédiate de fleurs ou de fruits ; ils peuvent également affecter la vigueur et la santé de la plante dans son ensemble, réduisant sa croissance et sa productivité dans les années suivantes. Chez certains arbres fruitiers, un gel sévère peut non seulement décimer la récolte de l'année mais aussi compromettre la survie de la plante elle-même, surtout si la plante n'a pas suffisamment de ressources pour se régénérer.

La gestion du risque de gel nécessite une approche intégrée, combinant la sélection variétale, les pratiques culturales adaptées et l'utilisation de techniques de protection physique ou chimique pour minimiser les dommages. La sensibilisation aux stades de développement les plus vulnérables et la mise en œuvre proactive de mesures de protection peuvent aider à sauvegarder les cultures fruitières rares contre les effets dévastateurs des gelées de printemps.

Les différents types de gels

 La lutte contre le gel nécessite une compréhension approfondie des différents types de gel auxquels les cultures peuvent être exposées. Identifier le type de gel est une étape cruciale pour choisir la stratégie de protection la plus adaptée.


Le gel de rayonnement, le plus commun, survient lors de nuits claires et sans vent, lorsque la température au sol atteint 0°C. Ce type de gel est caractérisé par une forte baisse de la température durant la nuit, pouvant atteindre de 2 à 4°C par heure, en l'absence de couverture nuageuse pour retenir la chaleur émise par le sol. Un brouillard précoce peut atténuer les effets de ce gel, en capturant et en redistribuant la chaleur.


Le gel d'advection se produit avec l'arrivée d'une masse d'air froid accompagnée de vents forts venant des pôles. Ce phénomène, bien que moins fréquent, affecte une grande étendue avec une température uniforme sur plusieurs dizaines de mètres de hauteur, rendant les moyens de lutte plus limités.


Le gel d'évaporation fait référence à l'abaissement rapide de la température due à l'évaporation de l'eau sur les plantes au lever du jour, surtout après une soirée claire suivant une journée pluvieuse. Ce type de gel est particulièrement dangereux lors de l'ouverture des bourgeons au printemps.


La gelée noire est une forme de gel de rayonnement se produisant dans des conditions de faible humidité, où l'absence d'eau empêche la formation de givre, permettant au froid de pénétrer directement dans les tissus végétaux, causant des dommages sévères.


À l'opposé, la gelée blanche se forme dans des conditions d'humidité élevée, où l'eau de l'air gèle autour des plantes, formant une couche de givre protectrice. Cette forme de gel est moins dommageable grâce à la protection qu'offre le givre aux tissus internes de la plante.


La compréhension de ces différents types de gel est fondamentale pour mettre en œuvre des stratégies de protection efficaces, adaptées aux conditions spécifiques et aux types de cultures concernés. La lutte contre le gel demande une vigilance constante et une adaptation aux conditions météorologiques changeantes, soulignant l'importance de la prévision et de la prévention dans la gestion agricole moderne.

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NB1: Le système BBCH est un code universel utilisé pour décrire les stades phénologiques des plantes, y compris les arbres fruitiers. BBCH signifie "Biologische Bundesanstalt, Bundessortenamt und CHemische Industrie", qui sont les noms des institutions allemandes qui ont développé ce système de classification dans les années 1990, en collaboration avec l'industrie chimique. Le but était de créer un système standardisé qui pourrait être utilisé internationalement pour tous les types de cultures, facilitant la communication entre agriculteurs, chercheurs et autres professionnels de l'agriculture.


Pour les arbres fruitiers, le système BBCH décrit les différentes phases de croissance de la plante, depuis le repos hivernal jusqu'à la maturation du fruit, en passant par la floraison et le développement des fruits. Chaque stade est représenté par un ou deux chiffres : le premier chiffre indique la phase principale de développement, tandis que le second chiffre donne plus de détails sur le stade spécifique.


Par exemple, pour les arbres fruitiers, les phases principales de développement peuvent inclure :


- 0 : Germination / Émergence

- 1 : Croissance foliaire (développement des feuilles)

- 3 : Développement des organes latéraux (par exemple, bourgeons latéraux)

- 5 : Développement des inflorescences et des fleurs

- 6 : Floraison

- 7 : Développement des fruits

- 8 : Maturité du fruit

- 9 : Sénescence ou début du repos hivernal


Chacun de ces chiffres est suivi d'un second chiffre qui fournit des informations plus spécifiques sur le stade de développement, permettant une description très précise de l'état de la plante. Par exemple, le code BBCH 61 pour un arbre fruitier indiquerait le début de la floraison.


En ce qui concerne le gel, le système BBCH est utile pour identifier les stades de développement pendant lesquels les arbres fruitiers sont particulièrement vulnérables aux températures basses. Connaître le stade BBCH d'un arbre fruitier à un moment donné peut aider les agriculteurs à décider des mesures de protection contre le gel les plus appropriées pour minimiser les dommages et protéger la récolte.


SOURCES
Les gelées de printemps, un problème toujours actuel par Bernard Itier
Les fiches techniques du réseau GAB/FRAB
Stades phénologiques des mono et dycotylédones cultivées (PDF)


Comment greffer un arbre fruitier?
Un aperçu de la greffe des arbres fruitiers, des plus simples aux plus compliquées aux plus rares.