Férus de fruitiers exotiques rustiques et autres végétaux hors du commun, Christophe Renard et son épouse Christine Vandenbroeck sont installés depuis 20 ans à Saint-Amand sur un grand terrain d’environ un hectare. Ils travaillent dans le milieu du sport et de la santé et cultivent sur le côté une véritable passion pour les plantes comestibles rares.
Dans leur verger se côtoient notamment pommiers de variétés anciennes, myrtilliers américains, figuiers divers, vignes, framboises noires, ronces fruitières et mûriers en arbre. Leur réflexion s’articule autour des végétaux rares – c’est-à-dire dont il est difficile, voire impossible de se procurer les fruits ou autres produits dans le commerce – et met l’accent sur la saveur et la diversité. Il s’agit notamment de l’asiminier, que nous aborderons plus en détail ci-dessous, ou de la courge Luffa, une éponge végétale assez versatile qui permet, par exemple, de faire la vaisselle sans utiliser de plastique. En outre, le couple possède deux serres horticoles qui assurent à leur famille une autonomie en légumes et plantes potagères (ici aussi, sortant de l’ordinaire) à hauteur d’environ 80 %.
Courge Luffa. Ceci n'est pas un asiminier.
Compte tenu de leur intérêt pour les végétaux particuliers, c’est tout naturellement que Christine et Christophe se sont enthousiasmés pour l’asiminier trilobé : également baptisé pawpaw, cet arbre originaire des États-Unis produit des fruits exotiques proches de ceux du chérimolier tout en pouvant résister à -25° C ! Après avoir fait l’acquisition de plants greffés en pépinière spécialisée, le couple s’est lancé dans la multiplication à partir de graines. Selon plusieurs sources, l’asiminier de semis serait relativement fidèle au pied qui a donné les fruits dont il est issu, toutefois, cette question n’est pas tranchée et mériterait de plus amples approfondissements. Christophe et Christine se réservent par ailleurs la possibilité de greffer les plants issus de semis dont les fruits ne seraient pas à la hauteur. À noter que ces deux passionnés explorent les possibilités offertes par plusieurs espèces, dont Asimina obovata et Asimina pygmaea, mais que nous concentrerons notre propos sur l’Asimina triloba.
Asimines sur notre parcelle test (Rhode-Saint-Genèse, Belgique), cueillies trop tôt (excès d'enthousiasme)
En ce qui concerne l’asiminier, Christophe nous informe que la patience est de mise, puisqu’une graine peut prendre plus de six mois à germer. Une fois cette étape passée, le couple plante la graine dans un tube en PVC d’environ 50 cm de long, puis fait croître le plant en serre dans un bain d’eau de 10 cm, qu’il veille à vider en cas de gel. L’asiminier développant sa longue racine pivot avant sa partie aérienne, des graines plantées en mars sont sorties de terre en juin. Christophe souligne ici l’importance de protéger les jeunes plants de l’exposition directe du soleil, pendant deux à trois années, car les feuilles des petits sujets brûlent. Le couple a ainsi perdu un pied de deux ans, dont le voile de protection s’était détaché, après seulement deux heures d’exposition au soleil. Christophe explique que les gastéropodes sont le principal ravageur des asiminiers et il s’en prémunit à l’aide de bigoudis en cuivre enroulés autour du tronc des arbres. Même les campagnols ne semblent pas poser de problème aux asiminiers dans le verger : alors qu’une ronce fruitière a été dévorée par les rongeurs, les deux asiminiers installés de part et d’autre n’ont subi aucun dommage.
Plants issus de semis, cultivés en tubes PVC. La racine pivot plonge pour aller chercher l'eau.
Une fois que le plant d’asiminier mesure 40 à 60 cm de haut, après un peu plus d’un an en pot haut à l’abri de la lumière et des gastéropodes, le temps est venu de l’installer en pleine terre, une opération que Christophe et Christine effectuent à la fin du mois de mai. Tout d’abord, ils désherbent, travaillent le sol en profondeur et font un apport de compost. Ensuite, ils creusent un trou d’environ 70 cm de profondeur à l’aide d’une tarière mécanique et le comblent légèrement au moyen d’un mélange de terre et de compost. Ils glissent alors le plant dans le trou (le tube n’a pas de fond) et ôtent délicatement le tube tout en maintenant l’asiminier en place et en veillant à préserver la longue racine pivot.
Méthode de plantation de Christophe Renard et Christine Vandenbroeck
Les jeunes plants bénéficient d’un paillage artificiel à l’aide d’une coupole redirigeant l’eau d’arrosage directement au pied et les sujets plus âgés, d’un paillage en lasagnes alternant tontes de pelouse et crottin d’ânes. Le couple veille à arroser régulièrement les pieds, l’asiminier présentant des besoins en eau importants, et à ne jamais laisser la terre à nu. Christophe et Christine ont opté pour une plantation en ligne, avec un espacement de 2 m entre chaque sujet, ce qui leur laisse la possibilité d’installer des buissons, comme des myrtilliers américains, entre les asiminiers.
Asiminiers protégés et paillés dans le verger de Christine et Christophe
En ce qui concerne la floraison, Christine et Christophe ont observé des fleurs sur leurs plants greffés, installés depuis deux ans. Cependant, leurs pieds ne fleurissent pas en même temps, de sorte que la pollinisation croisée est impossible. Pour ce qui est des asiminiers issus de semis, une dizaine de pieds de deux ans ont été installés ce printemps et ils escomptent encore entre deux et dix ans d’attente avant leur première floraison. Ils ont remarqué de nombreuses fourmis visitant les fleurs de leurs asiminiers et s’interrogent sur leur rôle dans la pollinisation de ces arbres (nous prévoyons d'écrire un article sur les pollinisateurs du pawpaw). Ils projettent de procéder à une pollinisation manuelle lorsque les plants seront matures afin de mettre toutes les chances de leur côté. Christophe et Christine ont déjà acheté des asimines en France chez Biocoop, de sorte qu’ils sont déjà familiarisés avec la saveur de ces fruits. Les asimines vendues à maturité étaient très bonnes, les autres n’ont jamais mûri.
Floraison et apparation des fruits sur notre parcelle test (Rhode-Saint-Genèse, Belgique). Plants de 7 à 8 ans.
En conclusion, l’asiminier est un arbre fruitier certes passionnant, mais qui nécessite beaucoup de soins pour dépasser le stade juvénile : culture en pot haut, protection contre les gastéropodes et la lumière directe du soleil, transplantation au moment adéquat dans des trous profonds, paillage adapté et suivi de l’arrosage. Selon Christophe, passion et patience sont les maître mots dans la culture de ce fruitier atypique. Il encourage vivement les personnes intéressées à tenter l’expérience, l’apparition des premières fleurs venant récompenser les efforts fournis.
Christophe Renard et Christine Vandenbroeck se lancent des défis ambitieux et vivent à fond leur passion pour les fruitiers d’exception. Leur enthousiasme est communicatif et nous espérons que ce témoignage pourra servir de source d’inspiration aux personnes qui souhaitent tenter l’aventure. Nous avons hâte de suivre l’évolution de leur projet et les remercions chaleureusement pour ce partage d’expérience.
Crédits photographiques
Courge Luffa : https://www.semaille.com/fr/courge-eponge/1367-courge-eponge-luffa-5415166025289.html
Autres photographies : Christophe Renard et Christine Vandenbroeck