Les amélanches sont des fruits délicieux qui rappellent la myrtille visuellement et gustativement, mais dont la production ne présente pas les désavantages propres à la culture de cette dernière
– à savoir sol acide et besoins en eau très importants. Autrement dit, le meilleur des deux mondes !
Tour d'horizon
Le genre des amélanchiers compte de nombreuses espèces. En Europe centrale et méridionale pousse l’amélanchier à feuilles ovales (Amelanchier ovalis), un arbrisseau de 1 à 3 m de haut que l’on utilise pour ses fleurs ornementales ou que l’on associe à d’autres plantes en haies vives. Le fruit, comestible et sucré, est de petite taille et contient de nombreux pépins. Malheureusement, il n’existe pas de variétés sélectionnées pour la production fruitière. La plupart des autres espèces proviennent d’Amérique du Nord. L’amélanchier de Lamarck (Amelanchier lamarckii) est originaire des forêts mixtes de l’est de l’Amérique du Nord. Ce petit arbre, pouvant atteindre une hauteur de 5 à 6 m, voire de 10 m, produit des fruits juteux, violet-rouge à rouges très foncés avec pruine, qui arrivent à maturité aux mois de juin et de juillet et possèdent une saveur sucrée. C’est toutefois à l’espèce Amelanchier alnifolia (amélanchier à feuilles d’aulne) qu’appartiennent la plupart des sélections fruitières d’amélanchier. Baptisé saskatoon ou juneberry en anglais, l’amélanchier à feuilles d’aulne est entre autres indigène dans les Prairies canadiennes et le nord-ouest des États-Unis, où pousse en colonies sur des crêtes rocailleuses, le long de cours d’eau ou à l’orée de forêts.
Ce grand arbrisseau peut atteindre 1 à 8 m de haut et 3 à 6 m de large. Il s’agit d’une plante drageonnante, ce caractère étant plus ou moins marqué selon la variété. Tant qu’il n’est pas sorti de sa dormance, un amélanchier à feuilles d’aulne peut résister à des températures inférieures à -40°C. En revanche, les fleurs et les fruits récemment formés subissent des dommages à partir de -2,2°C. Un plant entre en production entre sa troisième et sa cinquième année et atteindra un rendement idéal à partir de sa sixième année, soit en moyenne 1,33 kg par arbrisseau et 5,5 t par hectare. À noter que la productivité varie d’une année et d’une variété à l’autre.
L’amélanchier à feuilles d’aulne fleurit à partir du mois d’avril et fructifie au mois de juin (voire de juillet) – d’où son appellation juneberry en Amérique du Nord ! De couleur bleu-noir à pourpre-noir, l’amélanche est un fruit juteux de 6 à 16 mm à la saveur sucrée qui rappelle la myrtille avec une touche de pomme. Il s’agit d’une baie* intéressante sur le plan nutritionnel, ce qui explique que les Amérindiens l’utilisaient déjà sous forme fraîche, écrasée ou séchée pour confectionner le pemmican. Les amélanches, riches en fer, en cuivre et en antioxydants, des substances qui concourent à la prévention des maladies chez l’être humain, constituent aussi une bonne source de fibres.
Au Canada, il n’y a que la production de fraises qui parvient à détrôner celle des amélanches, c’est dire si ce petit fruit est apprécié !
Baies d'amélanchier à consommer fraiches
Conditions de culture
Après ce tour d’horizon de la plante, penchons-nous sur les conditions de culture de l’amélanchier à feuilles d'aulne (Amelanchier alnifolia).
Exposition
C’est en plein soleil que l’amélanchier s’épanouit le mieux. Même s’il tolère la mi-ombre, le plant produira alors des fruits de qualité inférieure et en moins grand nombre et sera plus sensible aux problèmes. Étant donné que cet arbrisseau fleurit tôt, il est important d’éviter de l’installer dans une poche de froid ou une dépression.
Sol
L’amélanchier tolère la plupart des sols, y compris les sols argileux moyennant un bon drainage et le maintien d’un taux d’humidité adéquat, mais il préfère les sols bien drainés, limoneux ou limono-sableux.
Eau
Pendant les deux à trois premières semaines suivant l’implantation, il est important de maintenir le sol humide (mais pas gorgé d’eau) autour des plants d’amélanchier. Par la suite, on peut arroser toutes les semaines environ s’il ne pleut pas, tout d’abord à la base du plant, puis à l’aplomb du feuillage. Une fois bien implanté, c’est-à-dire après deux à trois ans, l’amélanchier est moins exigeant, mais il aura malgré tout besoin d’eau pour connaître une belle croissance.
Espacement
En matière d’espacement en verger de production, les recommandations sont de 80 cm à 1,5 m sur la ligne et de 3,5 à 4 m, voire de 5 à 6 m dans le cas d’une récolte mécanique, entre les lignes. Les plants finiront par former une robuste haie cinq ans plus tard.
Plantation
Pour privilégier la formation de plusieurs tiges au drageonnement, il est possible d’enterrer les plants de 2,5 à 5 cm lors de la plantation. Il est également conseillé de rabattre le jeune plant à 2 yeux au-dessus du sol, cela suscitera un drageonnement plus agressif les premières années.
Fertilisation et carences
Les jeunes plants d’amélanchier n’ont pas besoin d’être fertilisés. En ce qui concerne les plants bien implantés, ils apprécient une libération lente des éléments nutritifs, de sorte qu’il est recommandé d’épandre chaque printemps du compost ou du fumier composté au pied des arbrisseaux. Comme les amélanchiers ont un système racinaire superficiel, ils absorbent plus rapidement les engrais que d’autres fruitiers. Aussi convient-il d’être parcimonieux si l’on souhaite utiliser de l’engrais de synthèse ou même organique en granulés (trop azoté en général).
Floraison et fructification
L’amélanchier fleurit à partir du mois d’avril et fructifie au mois de juin, voire de juillet. Il s’agit d’un arbuste fruitier autofertile, de sorte que la pollinisation croisée n’est pas indispensable, mais celle-ci permettra néanmoins d’augmenter le nombre de fruits. Les baies arrivent à maturité de manière échelonnée et leur taille varie en fonction du cultivar (autre nom pour "variété").
Fleurs d'amélanchiers en grappes
Taille
Tout au long de l’année, il est recommandé d’éliminer le bois malade ou abîmé et de contrôler le drageonnement. L'Université de Saskatchewan recommande de conduire les amélanchiers en buisson et non en arbre pour garantir leur rusticité. La taille à proprement parler s’effectue au printemps ou en automne et vise à améliorer la productivité du plant ainsi que la circulation de l’air et la pénétration de la lumière. Il s’agit de couper les tiges qui s'entrecroisent et frottent les unes contre les autres ainsi que les tiges âgées de plus de 5 ou 6 ans, qui ne sont plus productives, afin de laisser des drageons prendre le relais. On élimine généralement un sixième à un quart du plant.
Gestion de l’enherbement
Étant donné que l’amélanchier possède un système racinaire superficiel, la concurrence des autres plantes, et surtout des graminées, peut ralentir sa croissance. Il est dès lors conseillé de désherber ou de pailler dans un diamètre d’un mètre autour du pied des jeunes plants, en évitant toutefois que le paillage ne touche le collet pour prévenir tout pourrissement.
Maladie
Dans son habitat d’origine, l’amélanchier à feuilles d’aulne souffre de quelques maladies et attaques de ravageurs, mais des recherches s’imposent pour déterminer leur incidence en Belgique. Comme il appartient à la famille des Rosacées, il peut être une plante hôte pour le feu bactérien. Sur notre parcelle test, nous avons observé certaines petites attaques de maladies cryptogamiques sur les feuilles d’amélanchiers, mais aucune ne s’est révélée préoccupante.
Prédation
Les chevreuils et les lapins apprécient beaucoup l’écorce de l’amélanchier, tandis que leurs baies sont un mets de choix pour les oiseaux, les écureuils et les chevreuils. L’installation d’un filet et d’une clôture de protection s’impose donc sur de nombreux sites. En production, les filets contre les oiseaux sont incontournables, car ces derniers mangent toutes les baies sans exception.
Variétés
Il existe plusieurs variétés sélectionnées d’amélanchier à feuilles d’aulne, présentant des caractéristiques différentes.
Vous pouvez trouver ici un tableau comparatif des variétés d'amélanchier en vente à la pépinière.
Transformation de l’amélanchier
Les amélanches se consomment fraîches, séchées ou transformées en jus, confitures, tartes, sirop et... vodka. Elles sont aussi délicieuses en garniture, parsemées sur de la crème glacée ou des crêpes !
L’amélanchier à la pépinière
L’amélanchier est un arbrisseau ornemental qui produit des fruits introuvables en magasin, au super goût. Les oiseaux sont extrêmement friands d’amélanches, en particulier les fruits des variétés précoces : sans filet, pas de production. Pour apprécier le fruit, il est important d’attendre la pleine maturité. Durant les derniers jours de maturation, la baie va vraiment gonfler et changer de couleur et on ne sentira plus les pépins. Sur notre parcelle test, nous avons observé quelques attaques de maladie sur les feuilles, mais sans plus, car il s’agit d’un fruitier assez costaud. À la pépinière, nous vendons essentiellement des plants bouturés, qu’il est important de laisser drageonner. Nous recommandons de renouveler les tiges les plus anciennes après environ quatre ans pour garantir une production continue et des fruits de qualité. Il en va différemment pour les plants greffés, en fonction du porte greffe, on les laisse partir en port naturel. L’amélanchier n’aime pas du tout la concurrence des graminées et a vraiment besoin d’eau pour connaître une belle croissance. Les années sèches, la croissance est extrêmement faible.
L’amélanchier en Belgique
Il n'y a, à notre connaissance, pas encore de projets de production commerciale d'amélanchiers à feuilles d'aulne en Belgique.
En revanche, le Centre technique horticole de Gembloux cultive une dizaine de variétés en collection ainsi qu’une ligne d’une quarantaine de plants de deux variétés dans des conditions proches de la production. Cependant, le sol lourd et argileux du site ne semble pas plaire aux amélanchiers.
Nous ajouterons les projets consacrés à ce petit fruitier dans cette section.
L’amélanchier à l’étranger
La culture de l'amélanchier est en pleine croissance au Canada et reste relativement confidentielle dans d'autres pays, à l'exception des États-Unis.
Verger en autocueillette de baies d'amélanchier au Canada, près de Saskatoon
Conclusion
En conclusion, les amélanchiers sont des arbrisseaux qui allient qualités ornementales et production de fruits savoureux et offrent de nombreux avantages par rapport à la culture de la myrtille. Les amélanches, fruits délicieux et nutritifs, présentent un potentiel important en tant que culture fruitière durable et résiliente. Les variétés d'amélanchier à feuilles d'aulne (Amelanchier alnifolia) sont particulièrement intéressantes pour la production fruitière grâce à leur résistance au froid, à leur rusticité et à leur tolérance à différents types de sols.
Pour en savoir plus sur l'amélanchier, n’hésitez pas à passer les portes de la pépinière ou à vous inscrire à une visite guidée.
Note
*L’amélanche n’est pas à proprement parler une baie, mais un péridion, comme la pomme.
Bibliographie
Couplan, François, Le Régal végétal, Sang de la Terre, 2015.
Pirc, Helmut, Encyclopédie des fruitiers sauvages ou méconnus – Pour le jardin & la haie fruitière, Ulmer, 2022.
e-Flore, 1273 Amelanchier vulgaris, https://www.tela-botanica.org/bdtfx-nn-4092-synthese, consulté le 2 mai 2023.
Ressources naturelles Canada, Amélanchier à feuilles d’aulne, 4 août 2015, https://aimfc.rncan.gc.ca/fr/arbres/fiche/385.
Groupe de recherche en écologie des tourbières , Production de petits fruits en tourbière, Université Laval, Québec, décembre 2007, http://www.chicoutai.ca/Personnel/GUIDE_BERRY_2007.pdf.
Bieniek Anna, Markuszewski Bogumił, Kopytowski, Jan, Pluta, Stanisław et Markowski, Jarosław, « Yielding and fruit quality of several cultivars and breeding clones of Amelanchier alnifolia grown in north-eastern Poland » dans Zemdirbyste-Agriculture, vol. 106, no 4 (2019), http://www.zemdirbyste-agriculture.lt/wp-content/uploads/2019/11/106_4_str45.pdf.
University of Saskatchewan, Saskatoons, https://gardening.usask.ca/gardening-advice/gardenline-nested-pages/food-plant-pages/fruit/saskatoon.php#Researchandstudentactivities, consulté le 2 mai 2023.
Spencer, Robert, Matthews, Linda, Bors, Bob, et Peters, Clarence, Saskatoon Berry Production Manual, Alberta Agriculture and Rural Development, 2013, https://www1.agric.gov.ab.ca/$Department/deptdocs.nsf/all/agdex14362/$FILE/238_20-2.pdf.
Crédits photographiques
Carte de l'aire de distribution : https://nativeplantspnw.com/saskatoon-serviceberry-amelanchier-alnifolia/
Verger au Canada : http://www.southislandsaskatoons.com/