Camérisier : petit fruitier résistant au froid et ultraprécoce

La culture du chèvrefeuille comestible (camérisier) en Belgique et ailleurs

Le camérisier, ou Lonicera caerulea, est un petit fruitier très rustique qui s’adapte  facilement à la culture en Belgique et produit avant tous les autres fruits des baies à la saveur unique évoquant la myrtille et la framboise.

Et il conquit le nord de l'hémisphère nord

Vraisemblablement originaire d’Asie du Sud-Est, cet arbrisseau se serait répandu grâce aux oiseaux et à d’autres animaux consommant ses baies à une période où la nourriture se fait encore rare. Aujourd’hui, le Lonicera caerulea pousse essentiellement à l’état sauvage dans les régions arctiques et boréales, et ce dans une grande diversité d’habitats ; on le retrouve couramment en situation partiellement ombragée, dans des zones où la forêt laisse place à la haute montagne, mais aussi en haute altitude, sur des sommets montagneux, à proximité de lacs, sur des îles de petite taille, sur des plages sablonneuses, dans des bassins fluviaux, le long de cours d’eau et dans des zones humides et gorgées d’eau. Cette diversité témoigne de la grande adaptabilité de ce petit fruitier.


Le camérisier porte de nombreux noms, tels que baie de mai, chèvrefeuille bleu ou comestible, honeyberry ou encore haskapContrairement à son cousin le chèvrefeuille, une liane aux baies toxiques, le camérisier présente quant à lui un port buissonnant et peut atteindre 1,5 à 2 mètres de haut. Dépourvu d’épine, il ne drageonne pas et supporte très bien la taille – dont il peut en revanche se passer ses premières années. En outre, il peut produire dès la saison suivant son implantation, et ce pendant au moins une trentaine d’années. À partir de sa septième année, le camérisier offre en moyenne une récolte s’élevant à 3 kg par plant et à 6 500 kg par hectare dans le cas d’un verger commercial.

Le Lonicera caerulea fleurit au début du printemps et produit à partir de la fin du mois de mai une baie ovale (1,5 à 3 cm de long et 1,5 g en moyenne) à la peau bleue et pruineuse, à la chair pourpre et à la texture agréable : la camerise, premier fruit de l’année. La saveur complexe de la  « baie de mai » évoque la myrtille et la framboise et peut varier d’un cultivar à l’autre. 


Côté nutrition, la camerise est un superfruit qui se démarque par sa richesse en vitamines C et A ainsi que sa teneur élevée en fibres, en antioxydants et en minéraux comme le calcium, le potassium et le magnésium. Voilà plusieurs siècles que cette baie s’utilise en médecine traditionnelle dans le nord de la Russie, en Chine et au Japon.

​Compte tenu de son origine, le chèvrefeuille comestible possède une grande rusticité, de l’ordre de -45° pour la plante et de -6° pour la fleur ! Mais ce n’est pas tout : on ne lui connaît que peu de ravageurs et la seule maladie qui semble pouvoir l’attaquer est l’oïdium, lequel ne touche pas la récolte et ne compromet pas la survie du plant. Autant dire que le camérisier est un champion de la résistance végétale !

Résistance au froid

Plusieurs facteurs contribuent à la résistance au froid exceptionnelle du camérisier. Tout d’abord, il faut savoir que les fleurs du chèvrefeuille comestible sont généralement dirigées vers le bas, ce qui les protégerait de l’humidité et donc, du froid. Ainsi, après avoir vaporisé de l’eau sur des fleurs de camérisier, des chercheurs ont constaté qu’elles subissaient des dommages à -2° C, alors qu’elles peuvent supporter jusqu’à -6° C dans des conditions normales. Par ailleurs, les tissus du camérisier renfermeraient des sucres (raffinose ou stachyose) qui ont le pouvoir de protéger les cellules des plantes acclimatées au froid contre les basses températures. À noter que la résistance au froid du chèvrefeuille comestible dépend des fluctuations de température en hiver : s'il est soumis pendant une longue période à des températures moyennes de 5 à 10 degrés, puis que ces dernières chutent à -42° C, par exemple, le camérisier peut subir des dommages. Enfin, le Lonicera caerulea se caractérise par une période de dormance courte et il est généralement admis que résistance au froid et durée de dormance sont directement liés.

Conditions de culture du camérisier

Intéressons-nous de plus près aux divers éléments qui interviennent dans la culture, relativement facile, du Lonicera caerulea.

Emplacement
Pour être productif, le chèvrefeuille comestible nécessite un emplacement à l’abri du vent ainsi qu’une exposition plutôt ensoleillée, même s’il tolère l’ombre, auquel cas le taux de sucre et la productivité seront inférieurs.


Camérisier de 6/7 ans sur notre parcelle à côté de Bruxelles, Belgique

Plantation et enherbement
On peut enterrer le Lonicera caerulea de 2,5 cm à 5 cm au moment de la plantation afin de favoriser l’enracinement. Le camérisier étant peu compétitif, il est recommandé de le pailler – attention aux campagnols en cas de forte pression sur votre site – ou de l’associer à une plante couvre-sol afin de limiter la concurrence des graminées sur le plan de l’eau et des nutriments.

Sol
Le camérisier s’adapte à une large gamme de sols, allant d’acides à neutres et de sablonneux à argileux ; il tolère même de courtes périodes d’inondation au printemps. Dans l’idéal, toutefois, on l’installera dans un sol neutre ou légèrement acide, drainé, décompacté et plutôt riche en matière organique, à plus d’un mètre d’une nappe phréatique.

Eau
Le camérisier nécessite une irrigation en période de sécheresse pendant ses trois premières années à raison par exemple d’une fois par semaine, les arrosages plus fréquents ne favorisant pas un enracinement profond. L’irrigation joue un rôle secondaire pour les plants plus âgés, mais requiert tout de même une certaine attention eu égard aux besoins en eau élevés liés à l'habitat d’origine du camérisier.

Floraison
Le camérisier est pollinisé par des insectes comme le bourdon, l’osmie et l’abeille domestique. Il n’est pas autofertile et nécessite une pollinisation croisée de variétés génétiquement différentes qui fleurissent au même moment. Dans l’idéal, on installera les plants côte à côte et mélangés au sein du même rang, car les butineurs n’ont pas tendance à se déplacer d’un rang à l’autre. Dans les vergers commerciaux, on introduit généralement une variété compatible – qui produira malgré tout des fruits intéressants – pour polliniser 3 à 4 plants de la variété recherchée. Rendez-vous à la section Variétés pour plus de détails à ce sujet.


Un bourdon pollinise les fleurs de camérisiers sur notre parcelle.

Taille 
Le camérisier a tendance à se ramifier naturellement. Or, ce sont les branches les plus vigoureuses et exposées au soleil qui produiront le pl​us.

  • Au début du printemps ou en octobre, les particuliers peuvent se contenter de renouveler et d’aérer le plant en conservant majoritairement les tiges âgées d’au plus trois ans.
  • Dans un objectif de production commerciale (verger), il est intéressant de procéder à une taille de formation consistant à enlever les branches basses afin de stimuler la croissance en hauteur ainsi qu’à ouvrir le centre du plant pour favoriser la circulation de l’air, la pénétration de la lumière et la mécanisation de la récolte. La taille d’entretien vise, comme pour les particuliers, à maintenir la productivité du plant en supprimant les tiges de plus de trois ans.

Maladie
L’oïdium est la seule maladie qui semble toucher les camérisiers. Il s’agit d’un champignon qui, à partir du mois de juillet à la pépinière, cause un duvet blanc sur les feuilles, lesquelles finissent par développer des taches brunes ou prendre une couleur bronzée. Cette maladie se manifeste après la récolte et ne compromet pas la survie du plant touché, mais elle l’empêche malgré tout d’effectuer correctement la photosynthèse. 
Lors de fortes chaleurs, les parties sud du buisson peuvent souffrir de brûlures du soleil. Cela intervient généralement après la période de fructification et le plant repart très bien l'année suivante.

Espacement
Il est recommandé d’espacer les plants de 1 à 1,3 mètre au maximum afin de favoriser la pollinisation. Dans le cas d’un verger, on espacera les rangs de 3,5 à 4 mètres dans une optique de récolte manuelle et de 4,5 à 5 mètres si l’on prévoit une récolte mécanisée. Il est toutefois possible de réduire ces espacements sur et entre les lignes.

Verger en autocueillette de camérisiers au Japon

Prédation des oiseaux
Les oiseaux sont très friands de camerises, de sorte que la pose d’un filet de protection peut s’imposer, notamment dans les petits vergers de moins d’un hectare. À noter que les dégâts causés par les oiseaux sont imprévisibles et peuvent varier d’une année à l’autre et d’un lieu à l’autre.

Fertilisation
La culture du camérisier n’exige pas d’importantes quantités de fertilisants, mais nécessite néanmoins une fertilisation d’entretien chaque année en vue de maintenir une productivité optimale. L’utilisation de fumier composté peut notamment servir à augmenter la fertilité du sol et le pourcentage de matière organique. Ce n'est finalement pas différent de la fertilisation d'autres petits fruitiers. Le chèvrefeuille comestible ne souffre pas ou peu de carences.

Les variétés de camérisiers

Étant donné que le Lonicera caerulea nécessite une pollinisation croisée de variétés fleurissant en même temps, il est important d’accorder une certaine attention au choix des variétés.

Il existe plusieurs générations de camérisiers, issues de travaux de sélection japonais, russes, canadiens et polonais visant l’obtention de variétés produisant des fruits de gros calibre et de bonne qualité gustative. Voici un tableau reprenant les variétés cultivées sur notre parcelle test ainsi que leurs principales caractéristiques et compatibilités.

Un tableau comparatif des variétés de camérisiers (non exhaustif) est disponible ici.

Transformation de la camerise

La camerise se prête aisément à la congélation, au séchage et à la transformation et fait aussi  des merveilles en jus, confiture, glace, smoothie et autres bonbons. Les feuilles du camérisier peuvent aussi se consommer en tisane. Belgitude oblige, la baie de mai parfume également la bière grâce à la brasserie Cantillon !

Le camérisier en Belgique

En Belgique, la ferme du Vieux Tilleul transforme une certaine quantité de camerises.


Le Centre technique horticole de Gembloux projette par ailleurs de replanter des plants âgés d’environ 5 ans dans des conditions proches de la culture commerciale afin de lancer un essai de production visant à recueillir des données pertinentes pour notre pays.

Bruno Greindl, propriétaire terrien et ancien céréalier (coopérative Agribio), vient de lancer une parcelle test de 600 camerisiers en janvier 2022 :

" Je n’ai pas beaucoup d’expérience dans cette culture. Ils ont été plantés fin janvier. Bonne reprise, en espérant que les campagnols les épargnent. Ils ont été plantés dans une prairie temporaire riche en légumineuses. Les camérisiers ont été planté à 80 cm sur la ligne et à 3 m entre les lignes. Les lignes ont été gyrobroyées et une toile de chanvre a été placée avant la plantation. " 


Parcelle de Bruno Greindl en région namuroise, Belgique

En ce qui concerne la pépinière et notre parcelle test au Bois de Rode Bos, voici notre retour d’expérience :

"Nous cultivons une vingtaine de variétés de camérisiers depuis six à sept ans à la pépinière, installés sur un rang. Les abeilles ont tendance à délaisser le camérisier, nous avons surtout pu observer des bourdons à l’œuvre au début du printemps. Nos plants ont souffert de l’oïdium, de la prédation des oiseaux (l'utilisation de filets en production est nécessaire) et de la concurrence des graminées (avec un désherbage fréquent, la plante aurait connu une meilleure croissance sur notre parcelle). Dans l’ensemble, il s’agit d’une plante robuste, qui produit des baies de différentes tailles en fonction des variétés, plutôt acides, à la saveur intéressante bien avant les autres fruitiers. Je privilégierais les variétés plus tardives pour une meilleure concentration de sucres."

Conclusion

Il ne fait aucun doute que la baie de mai gagne à être cultivée en Belgique, où elle reste étonnamment méconnue. On retiendra les principaux atouts du Lonicera caerulea : 
- Précocité de la production (avant les fraises !)
- Rusticité de la plante ET de ses fleurs (jusqu'à -6°c)
- Relative facilité de culture
- Saveur unique des baies et intérêt nutritionnel
- Maladies peu impactantes pour la production (elles arrivent après la fructification)

​N’hésitez pas à passer les portes de la pépinière ou à vous inscrire à une visite guidée si vous souhaitez faire plus ample connaissance avec ce passionnant petit fruitier.

  ​​

Sources

 

Crédit photo

  
 

Hoshigaki (干し柿), une technique ancestrale japonaise
Comment sécher des kakis et les conserver, découvrez les kakis sechés