La greffe des arbres fruitiers est une technique horticole ancienne et précieuse, permettant de combiner les meilleures caractéristiques de deux plantes différentes : la vigueur et la résistance d'un porte-greffe avec la qualité des fruits d'un greffon. Cette méthode (greffer) est cruciale pour la propagation de variétés spécifiques, améliorant la production fruitière et assurant la pérennité des caractéristiques désirées. En choisissant soigneusement les porte-greffes et les greffons, les horticulteurs peuvent optimiser la croissance de l'arbre, sa résistance aux maladies, et la qualité de ses fruits, contribuant ainsi à la diversité et à l'amélioration continue des cultures fruitières. Voici un aperçu des techniques de greffes pratiquées par les amateurs et les professionnels.
LES GREFFES SIMPLES
Greffe en fente simple
La greffe en fente est reconnue comme l'une des méthodes de greffage les plus simples et directes. Cette technique consiste principalement à tailler un biseau sur le greffon et à pratiquer une fente correspondante dans le porte-greffe. Pour débuter, le porte-greffe (A) est coupé de manière oblique, créant une surface avec un sommet horizontal (C). Utilisant ensuite une serpette ou un couteau à greffer, on réalise une incision verticale (D) dans le porte-greffe, alignée sur la longueur de la partie biseautée (F) du greffon (E). L'objectif est de former une fente sans diviser complètement le porte-greffe. Par des secousses contrôlées, on ouvre l'espace nécessaire pour insérer le greffon, qui est alors introduit par le haut dans la fente, en le poussant progressivement jusqu'à ce qu'il s'insère parfaitement, assurant un alignement précis de l'écorce des deux parties. Si l'écorce du porte-greffe est épaisse, un léger ajustement de l'angle d'insertion du greffon peut être nécessaire pour optimiser le contact entre les tissus et favoriser l'union. Un masticage est appliqué pour protéger la zone greffée et une ligature est mise en place pour maintenir la stabilité, assurant ainsi le succès de la greffe en fente.
Greffe à l'anglaise
La greffe à l'anglaise simple est une méthode où porte-greffe et greffon, de diamètres similaires, sont taillés en long biseau. L'objectif est de garder un bourgeon au sommet du porte-greffe et un autre à la base du greffon, puis d'assembler les deux parties aussi précisément que possible. Cette technique repose sur une union directe des surfaces coupées. La fixation se fait avec une ligature flexible, comme un élastique (flexiband), et est parfois complétée par l'ajout d'un tuteur pour stabiliser la greffe, nécessitant une surveillance régulière pour ajuster la pression de la ligature.
Greffe à l'anglaise compliquée
La greffe anglaise compliquée est une version avancée de la greffe anglaise, très répandue pour sa flexibilité et la précision qu'elle permet. Dans cette méthode, le greffon (B) est finement taillé en forme allongée, semblable à un bec de flûte, avec une fente longitudinale (D) créée vers le tiers de sa longueur, en conservant un bourgeon (E) à sa base. Cette fente est réalisée d'un seul geste sans retirer de matière.
Le porte-greffe (A) subit une préparation similaire : il est coupé en biais et une fente est faite au tiers supérieur, en veillant à inclure un bourgeon. La fente dans le porte-greffe est positionnée pour correspondre à celle du greffon.
Pour assembler, les deux parties taillées sont alignées parfaitement, avec la "dent" du greffon (D) insérée dans le "cran" du porte-greffe (C), assurant un contact complet et précis, comme illustré en F. Si le greffon est moins large que le porte-greffe, il est ajusté au bord pour que les couches extérieures coïncident au moins d'un côté, garantissant ainsi une fusion optimale des tissus.
Greffe en couronne
Le greffage en couronne est spécialement adapté pour un large éventail d'arbres et d'arbustes. Pratiqué au printemps lorsque l'écorce se sépare facilement de l'aubier, il nécessite une préparation soignée du porte-greffe, incluant un étêtage quelques semaines avant le greffage. Cette technique, idéale pour les arbres de taille importante, permet l'insertion de plusieurs greffons sur un même tronc, favorisant une intégration robuste et efficace entre le greffon et le porte-greffe. Il existe plusieurs types de greffes en couronne (simple, perfectionnée, à oeil enchassé), nous garderons la plus simple:
Greffe en couronne ordinaire
Lorsque vous vous apprêtez à effectuer une greffe en couronne, commencez par préparer le porte-greffe, désigné B, en l'amputant proprement pour créer une surface adéquate pour l'insertion des greffons. Trois greffons, identifiés comme c, c', et c", sont insérés en fonction du diamètre du porte-greffe. Placer plusieurs greffons directement peut s'avérer difficile sans au moins une incision longitudinale (D) dans l'écorce pour éviter que la tension créée par l'inoculation de plusieurs rameaux ne provoque la fissuration des couches corticales. Cette incision ne facilite pas seulement le glissement du greffon c', mais assure également que les autres greffons, c et c", soient insérés confortablement sans risquer de fendre davantage l'écorce du sujet. Une fois les greffons positionnés, le site est ligaturé puis enduit de mastic ou cire pour protéger et soutenir la jonction.
Greffe en écusson
La greffe en écusson, aussi connue sous le nom de "budding", est une technique de greffage qui consiste à insérer un bourgeon (l'écusson) prélevé sur un arbre donneur dans l'écorce d'un porte-greffe. Cette méthode est particulièrement utilisée pour la multiplication des arbres fruitiers et des rosiers.
Pour réaliser une greffe en écusson, on commence par sélectionner un bourgeon sain sur la plante donneuse. On coupe ensuite ce bourgeon avec une petite portion d'écorce et un peu de bois, formant ainsi l'écusson. Sur le porte-greffe, on pratique une incision en forme de T ou de bouclier dans l'écorce, sans toucher le bois sous-jacent. L'écusson est alors inséré sous les bords de l'incision.
Une fois l'écusson en place, la zone greffée est ligaturée, souvent avec du raphia ou un ruban de greffage, pour maintenir l'écusson en position et protéger l'union jusqu'à ce qu'elle cicatrise et que le bourgeon commence à pousser, signe que la greffe a réussi. La période idéale pour cette technique est en fin d'été, lorsque l'écorce se détache facilement, facilitant l'insertion de l'écusson.
Il existe plusieurs formes d'écusson, l'ordinaire, l'incision en croix ou encore l'inversée... mais voici à quoi ressemble une greffe en écusson:
GREFFES PLUS COMPLEXES, PEU COMMUNES ou ABANDONNEES
Greffes par approche (3 différentes)
Le greffage par approche est une technique de culture ancienne qui fusionne deux plantes en joignant leurs tiges ou branches, observable aussi dans la nature lors d'occasions particulières où les plantes s'unissent spontanément. Pratiquée du printemps à l'automne, cette méthode nécessite d'ajuster et d'assembler soigneusement des parties du greffon et du sujet. Sans retirer les feuilles du greffon, une ligature, un mastic, cire ou buddytape facilitent l'union. Après une saison, l'union devient indépendante. Cette méthode se divise en trois catégories, variées selon la position et le traitement du greffon:
Greffe par approche en placage
Dans la technique de greffage par approche en placage, le greffon (A) est méticuleusement préparé par la création d'une entaille (a) qui élimine l'écorce et l'aubier, tandis que le porte-greffe (B) est travaillé pour former une encoche à fond plat (b), conçue pour s'adapter précisément à l'entaille du greffon et révéler l'aubier. Cette procédure arrange le greffon et le porte-greffe pour s'emboîter avec précision au niveau de leur point de rencontre (C), créant une fusion étroite de leurs tissus. Une ligature est ensuite mise en place pour sécuriser l'assemblage. Bien que l'emploi de mastic soit généralement peu fréquent, il peut être nécessaire pour préserver la greffe, particulièrement lors des phases de dormance où le flux de sève diminue. L'objectif de cette méthode est d'encourager une intégration rapide et le développement du greffon avec le porte-greffe.
Greffe par approche en incrustation
La greffe par approche en incrustation nécessite une préparation attentive du greffon (D), qui est taillé en angle (d) sur deux côtés pour s'emboîter exactement dans une entaille spécifique faite sur le sujet (E). Adaptée surtout aux plantes au bois dur ou lorsque le greffon a une forme aplatie ou ovale, cette technique est détaillée en illustration F. L'utilisation d'un greffoir est cruciale pour le greffeur afin d'effectuer ces coupes avec précision, facilitant une jonction impeccable entre le greffon et le porte-greffe.
Greffe par approche à l'anglaise
La greffe par approche à l'anglaise se caractérise par une technique naturelle d'assemblage, où des languettes et des encoches correspondantes sont soigneusement pratiquées sur les deux éléments à greffer, là où l'écorce a été préalablement retravaillée. Ces découpes spécifiques (A et B) sont conçues pour s'imbriquer parfaitement l'une dans l'autre (C), favorisant ainsi une union solide et naturelle entre le greffon et le porte-greffe.
Greffe en flûte
La greffe en flûte, également appelée greffe en sifflet, tire son nom de la similitude de la technique utilisée pour prélever le greffon avec celle de fabriquer des flûtes ou des chalumeaux à partir de tubes d'écorce. Bien que d'autres méthodes plus rapides soient désormais privilégiées dans les pépinières, cette technique reste utilisée pour la multiplication de divers arbres tels que le châtaignier, le noyer, le mûrier, le figuier, le cerisier, l'amandier et le saule, particulièrement dans certaines régions où elle est traditionnellement bien maîtrisée.
La greffe en flûte est idéalement pratiquée au printemps, avec l'activation de la circulation de la sève, bien qu'une seconde fenêtre d'opportunité se présente en fin d'été, juste avant que le ralentissement de la croissance ne dessèche les nouvelles zones de croissance. Cette méthode est appréciée pour sa fiabilité par ceux qui ont l'habitude de la réussir et qui préfèrent ne pas adopter d'autres techniques de greffage.
La technique de greffe en flûte implique de prélever un greffon tubulaire avec au moins un bourgeon (œil) du rameau-greffon. En utilisant un greffoir, on réalise d'abord deux incisions circulaires autour de l'œil, une au-dessus et une au-dessous, pour définir la hauteur du greffon, puis une incision longitudinale pour les relier. Avec précaution, on détache ensuite le segment d'écorce. Ce greffon est alors positionné sur le porte-greffe à l'emplacement d'un segment d'écorce de hauteur similaire précédemment enlevé.
Cette opération demande dextérité et est idéalement réalisée par temps calme pour éviter tout dommage aux tissus exposés. Bien que l'étêtage du porte-greffe puisse faciliter l'insertion du greffon, il est souvent plus efficace de greffer directement sur le tronc et d'étêter une fois la greffe consolidée. Les porte-greffes jeunes et vigoureux sont plus appropriés pour cette méthode, tandis que les sujets plus gros sont préférablement greffés sur les branches.
Greffe anglaise au galop
La greffe anglaise au galop, connue en anglais sous le terme "whip graft", a été popularisée par plusieurs auteurs britanniques comme Miller, Bradley, et Forsyth, sous le nom de "whipe and tongue grafting".
Cette technique commence par l'étêtage du porte-greffe (B), suivi de la réalisation d'une plaie (d, e) d'environ 5 à 6 cm de long. Une fente (f) est ensuite pratiquée au tiers supérieur de cette plaie. Le greffon (A), mesurant entre 10 et 12 cm, est taillé en biseau sur sa moitié inférieure avec une coche (c) faite aux deux tiers de ce biseau. Les deux parties sont alors emboîtées l'une dans l'autre en C, nécessitant une ligature et l'application de mastic sur les zones de contact.
L'ajustement précis du greffon, taillé en pointe et placé au bord de la plaie du porte-greffe, est crucial. Un soin particulier est apporté pour préserver un bourgeon en haut du porte-greffe, favorisant ainsi la réussite de la greffe.
Conclusion
La réussite de la greffe repose significativement sur l'habileté de l'opérateur, mais elle est également conditionnée par plusieurs facteurs cruciaux. L'affinité entre les espèces greffées, leur vigueur respective, et leur état physiologique au moment du greffage jouent un rôle déterminant. La greffe exige un rapprochement intime entre les tissus des deux parties, idéalement effectué durant une période propice, où la température et la saison facilitent la circulation de la sève et la cicatrisation. Malgré l'absence de règles scientifiques strictes sur les affinités spécifiques entre les espèces, il est généralement admis que la compatibilité est plus probable au sein de la même famille botanique.
La sélection d'un porte-greffe et d'un greffon en bonne santé, ayant des caractéristiques de croissance similaires et préparés correctement, augmente les chances de succès. La greffe doit être pratiquée dans des conditions climatiques favorables, avec un soin particulier apporté à la préparation et à la protection des sites de greffe pour encourager une union rapide et robuste. En somme, la maîtrise technique de l'opérateur, une bonne connaissance des compatibilités entre espèces, et une attention méticuleuse aux conditions de greffage sont essentielles pour assurer la réussite de cette opération délicate.
SOURCES
L'art de Greffer (1869). G Masson Editeur.