Nous reproduisons cet article, avec la permission de François Drouet, spécialiste en fruitiers rares. Nous y avons ajouté une recette sur le couchage des figuiers pour les zones à hivers rigoureux.
Dans cet article de 1865, extrait du livre "La ferme et les maisons de campagne", Emmanuel L'Hérault, spécialiste de la culture commerciale du figuier à Argenteuil, nous partage ses connaissances précieuses sur les méthodes et techniques d'une époque révolue.
Les trois cents producteurs de cette époque cultivaient 50 hectares et produisaient 400 000 figues chaque année avec minutie, savoir-faire et expertise.
Notre expert en figues du Nord pensait que cette culture, vieille de plus de deux siècles, ne s'éteindrait pas de sitôt. Malheureusement, il sera contredit par le "progrès". Son témoignage mérite d'autant plus notre respect. Bravo les artistes !
Culture de la vigne et du figuier, plantés ensemble, à Argenteuil, fin 1800.
Dans cette région éloignée des oliveraies, la culture du figuier occupe environ 50 hectares, avec près de 300 producteurs, et produit en moyenne plus de 400 000 figues chaque année.
On dit que cette culture existe depuis plus de deux cents ans, et cela ne fait guère de doute, car des ouvrages du siècle dernier en parlent comme d'une pratique bien établie.
Nous pensons également qu'elle ne disparaîtra pas de sitôt, car pour l'instant, la concurrence du Sud ne nous menace pas.
Pour être de bonne qualité, une figue doit mûrir entièrement sur l'arbre et avoir une peau craquelée. Dans cet état, il est difficile de les transporter sur de longues distances, même par chemin de fer. Le Sud ne pourrait donc concurrencer la région parisienne qu'avec des figues récoltées prématurément et de qualité médiocre.
L'un de nos avantages est de pouvoir récolter les figues mûres à point, de les transporter nous-mêmes au marché pendant la nuit et de les proposer au public dans toute leur fraîcheur. Bien qu'elles soient moins sucrées que celles de Provence, elles sont tout de même très appréciées et les consommateurs parisiens n'en voudraient probablement pas d'autres.
On dit que la variété la plus couramment cultivée à Argenteuil est la Blanquette, mais nous pensons plutôt qu'il s'agit de la Coucourelle blanche, sans en être certains. On trouve également, mais plus rarement, la Dauphine violette et la figue de Bordeaux, cultivées en caisses.
Généralement, nous ne faisons qu'une récolte, celle des figues-fleurs, autrefois appelées figues de la Saint-Jean, bien qu'elles mûrissent plus souvent en juillet qu'à la fin juin.
Si nous avons des figues d'automne ou de seconde sève, c'est parce que l'année a été particulièrement chaude et que l'arrière-saison a été très favorable.
Cependant, chaque année, un petit nombre de figues d'automne pourrait être récolté à Argenteuil, sans nuire aux figues de printemps, du moins sur les jeunes figuiers de 8 à 20 ans.
Pour ce faire, au lieu de ne laisser qu'un seul rameau de remplacement, il faudrait en laisser deux et éborgner à deux feuilles le rameau le plus élevé.
Puisque nous avons mentionné le couchage, parlons en tout de suite.
Le couchage des figuiers est effectué chaque année entre le 1er et le 15 novembre, avant l'hiver. Les branches sont réunies et abaissées dans une fosse préparée, puis recouvertes de terre et de feuilles. Le relevage a lieu entre le 25 février et le 15 mars, en fonction de la saison, et doit être réalisé par temps humide pour éviter de choquer l'arbre.
Après le relevage, le pincement est effectué pour supprimer le bourgeon terminal de chaque branche et ainsi favoriser la fructification. Ensuite, un équetonnage plus complexe est pratiqué pour enlever les boutons à bois situés à côté de chaque figue.
Pincement du bourgeon apical de la branche d'un figuier, pour hâter la fructification. (Attention au latex en plein soleil!)
La taille du figuier consiste à enlever les rameaux qui ont fructifié et à les remplacer par un ou deux rameaux de remplacement. Les drageons ou redruges qui fatiguent l'arbre sont également supprimés, en ne conservant que les plus beaux pour remplacer les branches manquantes.
Pour renouveler un figuier fatigué ou mutilé, on le recèpe en avril à 6 cm sous le niveau du sol. Si l'arbre ne drageonne pas la première année, il faut rafraîchir la coupe avec le souchet la deuxième année.
La maturité des figues à Argenteuil a généralement lieu dans la seconde quinzaine de juillet. Pour accélérer la maturation, une goutte d'huile d'olive est appliquée sur l'œil de chaque fruit, permettant de les faire mûrir au moins dix jours plus tôt. Cette opération ne doit avoir lieu que le soir, par un vent d'est ou du midi.
"Quand les figues ont atteint plus des deux tiers de leur grosseur on accélère leur maturité en enfonçant de 3 ou 4 lignes dans leur œil le bout d'un poinçon trempé dans de l'huile d'olive."
Source: "Le Bon Jardinier, Almanach pour l'année 1833", par A. Poiteau et Vilmorin.
Les figues sont considérées comme prêtes à être forcées lorsque les froments du voisinage commencent à jaunir. Cette indication est facile à suivre pour tout le monde et permet de gérer la récolte de manière efficace.
BONUS! Recette américaine du couchage du figuier pour l'hiver.
Une méthode radicale:
- Creusez une tranchée d'un côté de votre figuier de la hauteur de votre figuier.
- Attachez ensemble les branches une fois que votre arbre ou arbuste est en dormance (cela évite de creuser un trou trop large) ;
- A environ 30 cm du tronc, du côté opposé à votre tranchée, sectionnez les racines avec une pelle, ce qui facilitera la flexion de la plante. Radical ;
- Pliez la plante pour qu'elle repose dans la tranchée, puis maintenez-la en place avec un objet lourd ou des piquets ;
- Remplissez la tranchée avec une épaisse couche de paillis et couvrez-la avec une bâche (vous pouvez ajouter une planche et de la terre par-dessus pour une isolation supplémentaire si vous le souhaitez).