1.1   Cornouiller mâle : le virtuose de l'adaptabilité climatique

La culture du cornouiller mâle en Belgique et ailleurs - Cornus mas -

Résistance à la sécheresse, au froid, au gel et au vent, mais aussi qualités ornementales, caractère mellifère et vertus médicinales  : le cornouiller mâle coche de nombreuses cases. Ce petit fruitier indigène produit un bois solide et de délicieux fruits à la pulpe sucrée, acidulée et très parfumée chaque année.

Le cornouiller mâle, parfois aussi appelé cornier ou fuselier, est une essence originaire des zones tempérées dont la zone de distribution va de l’Europe centrale et du Sud (y compris une partie de la Belgique) jusqu’en Asie mineure et centrale. Il s’agit d’une plante plutôt adaptée aux environnements difficiles, qui a besoin de lumière et pousse généralement sur des sites secs et chauds, jusqu’à 1500 m au-dessus de la mer. Cette espèce connaît une croissance lente ainsi qu’une grande longévité – jusqu’à 300 ans ! – et s’épanouit en bordure de forêt, dans les steppes arbustives et les bois clairsemés, par exemple. Dans la nature, le cornouiller mâle pousse généralement en buisson sous des arbres à grand développement tels que les chênes et les hêtres.

Le Cornus mas est un arbuste ou un petit arbre qui supporte bien la taille et peut atteindre 3 à 9 m de haut, sa couronne étant souvent plus large que haute. Il a tendance à rejeter de souche. Les rejets viennent ainsi remplacer les anciennes tiges qui sont mortes, ce qui explique la grande longévité de cette espèce. En culture, toutefois, ces rejets inhibent la croissance du tronc principal, de sorte qu’on conseille généralement de les enlever. Le cornouiller mâle se caractérise par un système racinaire superficiel et étendu qui, conjugué à la pubescence et à la structure de ses feuilles et, selon un membre du Cercle des naturalistes de Belgique, à sa capacité à mycorhizer facilement, font de cet arbuste une plante résistante à la sécheresse. Le système racinaire du fuselier va rarement au-delà d’un mètre de profondeur, 40 à 60 % de la masse racinaire se situant dans les dix premiers centimètres du sol. Il n’a pas de racine pivot marquée. Vers 70 ans, le diamètre du système racinaire atteint le double de la surface de projection de la couronne.

Le cornouiller mâle est rustique jusqu’à -30° C, résiste à la sécheresse, au vent et au gel, mais pas au sel et aux expositions marines. Sa fleur peut supporter sans dommage des températures inférieures à -5° C grâce au mécanisme suivant : la floraison du Cornus mas est hétérogène, y compris au sein même des inflorescences, et s’étale sur une longue période de temps. Lorsque les températures baissent, les fleurs se referment, ce qui leur permet de résister à trois jours de neige, pour ensuite se rouvrir lorsque l’atmosphère se réchauffe. Et même si les fleurs les plus précoces venaient à geler, étant donné que chaque inflorescence en compte 15 à 25, il y aura toujours au moins trois à quatre fruits qui arriveront à maturité et assureront une récolte abondante. Au cours de ses 50 années d’expérience, la professeure Klimenko, experte en cornouillers, n’a ainsi connu qu’une seule année de mauvaise récolte, alors que les fleurs étaient restées sous la neige huit jours consécutifs.

Qui plus est, cette essence produit un bois particulièrement solide et durable, utilisé dès l’Antiquité pour la confection d’armes : dans l'Odyssée d'Homère, qui contient la plus ancienne mention du cornouiller mâle dans la littérature, Ulysse porte une lance en cornouiller. Par ailleurs, selon une légende romaine, un arbuste serait né d’un javelot en cornouiller qui, lancé de l’Aventin par Romulus, aurait pris racine. D’ailleurs, c’est à la dureté de son bois que fait référence son appellation de cornouiller « mâle », et non au sexe de l’espèce. Lors de fouilles archéologiques, des chercheurs ont trouvé un récipient en terre cuite contenant des graines de cornouiller datées de 600 ans avant notre ère ! En outre, la longue période de floraison et le magnifique feuillage automnal du cornouiller mâle font aussi de lui une plante ornementale. Il s’agit de l’un des premiers arbustes à fleurir dans nos régions, qui nourrit les abeilles à la sortie de l’hiver.

Le cornouiller mâle fleurit dès la fin du mois de février et nécessite une pollinisation croisée avec une variété différente pour bien fructifier, car il n’est généralement pas autofertile. Il produit à partir de la mi- à fin août des fruits (drupes) ovales dont la couleur va du rouge au jaune en passant par le bordeaux foncé presque noir. Les cornouilles, contenant un noyau allongé, mesurent en moyenne 2 cm de long et pèsent de 1 ,6 à 2,6 g, voire de 4 à 6 g pour les variétés à gros fruits. Juteuses et sucrées, les cornouilles possèdent un parfum de fruit rouge et arrivent à maturité de manière hétérogène. Pour être appréciées, elles doivent se déguster à pleine maturité, lorsqu’elles ont perdu leur astringence et que la pulpe est bien molle au toucher (elles sont souvent à point lorsqu'elles viennent de tomber de l'arbre). Ce sont des fruits climactériques, qui continuent à mûrir après avoir été cueillis ou avoir chuté de l’arbuste.

Le cornouiller mâle est un arbuste fruitier particulièrement productif, puisqu’un pied de 15 à 20 ans peut produire de 20 à 70 kg de fruits et un verger bien géré, 20 tonnes de fruits par hectare, et ce pendant plus de 150 ans. Un plant greffé commencera à fructifier après deux ou trois ans, un pied de trois ou quatre ans produisant déjà 3 à 5 kg de fruits. Un verger peut compter entre 300 et 600 plants à l’hectare. Par ailleurs, cette espèce ne semble pas sensible à une maladie ou à un ravageur particulier, ce qui permet de la cultiver sans recourir à des traitements phytosanitaires.


Verger de cornouillers mâles en Pologne

Comme l’illustre ce tour d’horizon de la plante, le cornouiller mâle est un virtuose de l’adaptabilité climatique, qui peut pousser dans des conditions difficiles et tolère tant la sécheresse que le froid ou le gel. Qui plus est, cette espèce produit des fruits délicieux et compte de nombreuses variétés permettant de varier les plaisirs. C’est sans aucun doute l’un de nos arbustes fruitiers préférés au Bois de Rode Bos et nous serions ravis de vous le présenter à la pépinière ou à l’occasion d’une visite guidée de notre parcelle.

Ce premier article s’inscrit dans le cadre d’un dossier consacré au Cornus mas. Si vous souhaitez poursuivre votre exploration de ce super petit fruitier et en découvrir davantage sur la culture du cornouiller mâle, rendez-vous ici !


Sources

  • Couplan, François, Le Régal végétal, Sang de la Terre, 2015.
  • Da Ronch, Flavio, Caudullo, Giovanni, Houston Durrant, Tracy, et de Rigo, Daniel, « Cornus mas in Europe: distribution, habitat, usage and threats » dans European Atlas of Forest Tree Species, Commission européenne, 2016.
  • Drouet, François, Pratique du cornouiller mâle – Cornus mas L., 2018, http://www.fruitiers-rares.info/articlesA-141a146/article144-Cornus-mas-Cornouiller-male.html
  • Kazimierski, Maciej, Regula, Julita et Molska, Marta, « Cornelian cherry (Cornus mas L.) – characteristics, nutritional and pro-health properties » dans Acta Scientiarum Polonorum Technologia Alimentaria, 18, 10.17306/J.AFS.0628, 2019, p. 5 à 12.
  • Klimenko, Svitlana, « Cornelian cherry in perspective » (traduction), Ogorodnik, octobre 2011.
  • Klimenko Svitlana, Cornel varieties in Ukraine
  • Liou-Gille, Bernadette, « La fondation de Rome : lectures de la tradition », Histoire urbaine, vol. 13, no. 2, 2005, p 67 à 83.
  • L’Abeille Noire, Les cornouillers mâles en fleurs ; L'Abeille Noire, 25 février 2021, https://www.labeillenoire.be/2021/02/25/les-cornouillers-m%C3%A2le-en-fleurs-l-abeille-noire/
  • Pirc, Helmut, Encyclopédie des fruitiers sauvages ou méconnus – Pour le jardin & la haie fruitière, Ulmer, 2022.
  • Shaidarova, Svitlana, publication Facebook.

Crédits photographiques

 

Feijoa : fruit exotique d'Amérique du Sud résistant au froid
La culture du feijoa en Belgique et ailleurs